La république des oiseaux by Robert Blondin

La république des oiseaux by Robert Blondin

Auteur:Robert Blondin [Blondin, Robert]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman, Dystopie, Nature, Fantastique, Littérature québécoise
Éditeur: Somme Toute


Chapitre 9

Planer ailleurs

Mes cousins éloignés, les strigidés, ont évolué dans la solitude des forêts. Ces oiseaux aux grands yeux voient tout, même dans la nuit. Ils n’ont pas l’habitude des groupes, même familiaux. Mais cette nuit, pour la première fois en ces temps d’incertitude, ils se réunissent. Ces oiseaux si impassibles d’ordinaire sont en colère. L’exécution de la chouette Crécelle, à la suite d’une condamnation injustifiée de trahison, les a révoltés. La profanation de la dépouille, utilisée comme un projectile lancé du haut des airs sur une foule hostile, a semé la fureur.

Hiboux, chouettes, harfangs des neiges, grands-ducs font pivoter leur tête les uns vers les autres, massés devant l’escalier hélicoïdal du château Biltmore. Un escalier monumental à la gloire des nouveaux riches Vanderbilt qui enviaient celui du château de Blois – en miettes, m’a-t-on dit. L’escalier des Vanderbilt, lui, a craqué sans s’effondrer, comme si la richesse résistait mieux que la noblesse.

Ils sont des douzaines, devant le grand escalier. Seules leurs têtes bougent. À l’unisson, de gauche à droite, en faisant presque des tours complets. Le synchronisme de leurs mouvements effectués dans un silence oppressant projette l’image et l’inconfort d’une force difficile à contenir. Une arme redoutable, le silence synchronisé.

Tout en haut de l’escalier, dans l’ombre du cœur de la spirale de pierres, le geai et un carouge à épaulettes piétinent devant Popolcan et Donny, se donnant l’impression de les protéger. Le bourreau Popolcan, lui, ouvre et ferme son grand bec au ralenti, sans mot dire. Pas question pour lui de céder à la moindre crainte, encore moins d’éprouver un remords ou un regret. Cela pourrait être interprété comme un signe de faiblesse.

Donny se hérisse à la moindre velléité d’affrontement. Dans la forteresse des puissants, on peut provoquer n’importe qui. Ce ne sont pas les raisons de la colère des cousins hiboux qui interpellent le pygargue américain. C’est l’occasion d’une bataille gagnée d’avance qui lui permettra, il en est certain, de confirmer sa supériorité.

Les manifestants, par le bec d’un grand-duc avancé en âge, contestent l’exécution de la chouette Crécelle. Ce grand-duc invoque la liberté sacrée de changer d’opinions et d’allégeances. Il reproche aux meneurs charognards de s’imposer aux autres sans assise justifiée. De se croire possesseurs d’autorité et de vérité, et même de grands morceaux de territoire pourtant historiquement accessibles à tous. Il rappelle qu’on ne peut partager sélectivement ce qui appartient à la communauté. Il les accuse de mépriser l’altruisme des planeurs et de pratiquer un individualisme rétrograde.

Je lui en suis reconnaissant. Il dénonce l’arbitraire des critères invoqués par la junte, les accusant de reproduire des comportements humains, déviance qu’il attribue à une consommation abusive de cervelles humaines.

— Vous vous droguez, martèle-t-il.

Toujours en retrait, Donny le traite tout bas de grosse tête, de prédateur frustré à la solde des idéalistes planeurs. Il murmure ses attaques verbales au geai et à son comparse carouge, convaincu que ces derniers iront colporter sa parole et consolider sa réputation d’intraitable. Quand on l’incite à s’exprimer directement aux révoltés, il répond que ce serait leur donner trop d’importance.



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